J’arrive tout juste de Chicago. Mais deux mois plus tôt, j’arrivais tout juste d’un endroit que j’aurais presque eu envie de garder pour moi… J’ai hésité longuement avant d’en parler ici. J’hésite encore un peu. Un endroit qui m’a réconcilié avec le Mexique que j’aime tant, ce Mexique visité à quelques reprises pour de longs comme de plus courts séjours au cours des dernières années, et dont la culture, la musique, le rythme et ses habitants exercent un charme continu chez moi.
Il y a trois ans, je logeais dans la baie de Puerto Marques, tout juste à côté d’Acapulco. Première grande bouffée d’air pour la toute nouvelle maman que j’étais devenue et qui demandait à flirter avec sa liberté de mouvement et sa liberté d’être. Je profitais de mon avant-dernière soirée lorsqu’un commando d’un cartel mexicain est descendu de la capitale mettre des points sur des «i » en étêtant quelques têtes … Résultat : plus de quarante cadavres. Évidemment, plusieurs dans le port qui sert de porte d’entrée à la cocaïne provenant d’Amérique du Sud depuis des années, et plusieurs décimés un peu partout aux quatre coins de la ville. Selon les autorités mexicaines, la tuerie aurait eu lieu vers les 4 heures du matin. À cette heure-là, je quittais le bar où j’avais dansé toute la nuit, passais tout juste à côté du port chercher mon bébé de 2 mois chez son grand-père pour me retrouver ensuite à Puerto Marques où l’on avait trouvé deux autres corps non loin de notre hôtel. Voilà pour la fin de mon dernier petit périple au Mexique avec ma fille… Joyeux, hein ?
Évidemment, tout cela, on n’en a aucunement entendu parler ici… À l’instar d’une panoplie d’événements du genre qui ne se produisent plus seulement aux environs de Ciudad de Juarez et de la frontière états-unienne depuis un bon moment.
Lors d’un précédent séjour de quelques semaines, j’avais ressenti certains endroits du Guerrero violents, durs, agressifs. Eu vraiment peur à un moment lorsque je m’étais retrouvée seule sur une plage quasi déserte avec trop de gars de l’armée mexicaine… Seulement une immense frousse, des sueurs froides, bien du baragouinage et de l’aide d’un jeune mexicain pour m’en sortir, heureusement. Mais, deux années plus tard, j’imagine que c’est le fait de me retrouver là, avec un bébé naissant à protéger, les hormones, les émotions, la fatigue et l’instinct dans le tapis, que je m’étais promis en quelque sorte de laisser passer bien du temps avant d’y retourner. Avec un enfant, tout jeune bébé, on devient plus conscient, plus alerte. L’instinct prend le dessus. J’avais donc mis une croix à sillonner le pays en sac-à-dos au lendemain de la tuerie ; hormis un séjour à Cozumel, qui n’était pas exactement, du moins pour moi, aller à la rencontre du Mexique …
Depuis, j’ai suivi tristement la situation quant à la guerre des narcotrafiquants qui sévit dans ce pays. « Acapulco, paradis perdu », titrait récemment l’Express. De fait, la perle du Pacifique n’est plus. Déjà le pouls avait changé tout près de la Quebrada, là où les clavadistas plongent depuis des années au grand bonheur des touristes et au grand malheur de leur famille parfois. Mes frousses mexicaines, j’en ai eu quelques autres, ne m’ont ensuite pas empêché de voyager, ni d’aimer ce pays. Bien que la violence qui marque certains états plus que d’autres soit le fait d’une guerre ciblant des membres de cartel précis, j’avais pensé qu’il suffisait être à la mauvaise place au mauvais moment. J’avais choisi d’éviter certaines régions de ce pays pour un moment. J’ai donc eu les larmes aux yeux tout récemment en apprenant le viol de 6 Espagnoles dans une villa sur la plage de Barra Vieja que je connais bien. Davantage en apprenant que des suspects avaient été arrêtés, doutant des méthodes musclées et rapides utilisées afin d’essuyer le plus rapidement l’affaire en ciblant des coupables, et probablement en évitant le plus possible d’entremêler des membres du gouvernement ou des corps policiers à cette affaire. Sourciller en écoutant les déclarations du maire tenter de minimiser l’événement, craignant inévitablement d’autres retombées négatives quant à l’achalandage touristique.
Attention, je ne tente pas de faire de la généralisation ici. Surtout pas d’isoler un événement pour dramatiser. Ni devenir alarmiste. Néanmoins, il est difficile d’éviter de soulever la réalité d’une ville qui a tristement eu son heure de gloire et où la corruption est en train de prendre le dessus là où on s’y attendait le moins. On ne peut également nier que plusieurs états mexicains sont devenus beaucoup plus dangereux qu’ils ne l’ont jamais été. Que la corruption policière s’est généralisée et étendue, comme en fait foi de récents événements à Playa Del Carmen ou encore à Mazatlan. Le contexte de violence et d’insécurité est encore bien présent dans certaines régions alors que d’autres villes connaissent une nouvelle accalmie et tentent de redorer le blason touristique du pays. Les gens hésitent à écrire sur ce qui se passe présentement dans certains états mexicains. La situation est ambigüe et on a peur de se perdre en généralisation. N’en demeure pas moins qu’il existe plusieurs régions sécuritaires pour le tourisme et qu’il ne faut pas non plus instaurer un régime de peur.
Alors, imaginez, quand dans ce contexte vous découvrez un genre de coin paradisiaque et perdu sur la même côte Pacifique … Si près de Zipolete que j’avais adoré, idylle du hippie voyageur. Un bout de paradis avec des plages sauvages, préservées. Et d’autres typiquement mexicaines avec ses palapas, ses tacos al pastor au coin des rues dénuées de trop de touristes … Bonus : l’âme mexicaine y est partout et on s’y ballade avec le sentiment de se trouver en sécurité.
Seulement, on pressent que d’ici quelques années ce bout de paradis ne le sera peut-être plus… Les chaises en plastique auront envahi les plages, les hôtels auront pullulé… devrais-je alors vraiment garder ce lieu rien que pour moi ou le partager? … ;-)
Cette plage déserte et sauvage fait saliver ? D’accord, je vous tracerai donc prochainement un portrait de Las 9 Bahias de Huatulco.
D’ici là, je continuerai à porter cette plage secrètement au creux de mon coeur ..
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Pour un portrait de la situation à Acapulco c’est par ici.
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